NASA
Comment la Nasa met la mode en apesanteur
Alors que la conquête spatiale fascine la jeune génération, les marques explorent l’imaginaire et les logos de l’organisation gouvernementale américaine.
Comment s’associer à la Nasa? Comment faire apparaître son logo, l’un des plus connus dans le monde, sur un produit qui n’a rien à voir avec la
conquête de l’espace? En envoyant un simple mail à l’administration responsable du programme spatial américain. «Nous examinons tous les projets, assure Bert Ulrich du département de communication de la National Aeronautics and Space Administration. Toutefois, nous ne collaborerons jamais avec une marque d’alcool, de cigarettes ou n’importe quelle entreprise qui ne serait pas en accord avec nos valeurs.»
L’iconographie américaine renvoie une image cool et urbaine qui plaît au public français et que nous souhaitons décliner dans toutes nos collections
Aurélie Goapper, responsable coordination de l’offre de la marque masculine Celio
Il s’agit aussi de respecter à la lettre le protocole énuméré (dans le détail) sur le site de l’organisation. On peut y lire par exemple: «Dans le cas d’un tee-shirt avec l’insigne de la Nasa apposé sur le devant, le logo de la société qui le fabrique peut apparaître sur l’étiquette du col, à l’ourlet, sur la manche, […] mais non pas près de notre emblème, ni à un endroit susceptible de nuire à son apparence.» Le fonctionnaire confirme: «Nous avons un cahier des charges très précis et sommes extrêmement vigilants, car tout ce qui concerne la Nasa fait partie des biens publics du peuple américain. Nous ne signons pas de contrat de licence, d’exclusivité ou de cobranding. Nous ne dégageons donc aucun profit sur ces produits.»
Cette démarche élémentaire, c’est celle qu’a entreprise avec succès l’enseigne française Celio. Lancée à la fin du mois d’octobre, sa collection en partenariat avec la Nasa de blousons, sacs à dos, joggings, etc. a été mise en orbite dans ses magasins. «L’idée d’une telle alliance est venue à notre équipe de style lors d’un voyage de recherches à New York, au début de l’année. Là-bas, les produits dérivés, les casquettes, les sweat-shirts estampillés Nasa, comme ceux marqués NYPD, sont partout, raconte Aurélie Goapper, responsable coordination de l’offre de la marque masculine. L’iconographie américaine renvoie une image cool et urbaine qui plaît au public français et que nous souhaitons décliner dans toutes nos collections.»
Meatball, le dernier logo qu’on s’arrache
Le département communication de la Nasa gère les demandes de marques, l’utilisation d’archives pour des documentaires et conseille le cinéma. Récemment, il a été particulièrement occupé par le tournage du film de Damien Chazelle, First Man : le Premier Homme sur la Lune , biopic sur la vie de Neil Armstrong.
Alors que l’organisation américaine fête ses 60 ans cette année, elle a été donc aussi largement sollicitée par les gens de la mode. Ces jours-ci, le «Meatball» (l’acronyme sur un rond bleu et barré d’une aile rouge, insigne officiel conçu en 1959) et le «Worm» (logotype rouge des années 1970 utilisé jusqu’en 1992) animent donc des tee-shirts Urban Outfitters, des baskets Vans, des parkas Celio et même la collection de streetwear pour homme du très influent designer américain Heron Preston (proche de Kanye West et Virgil Abloh).
L’an dernier, toujours de l’autre côté de l’Atlantique, la célèbre griffe de sacs Coach et le fabricant de vêtements militaires du Tennessee, Alpha Industries, revisitaient ces mêmes codes. En 2020, des lampes et des tables basses du suédois Ikea, réalisées en collaboration avec l’organisme, seront en vente. «L’espace, la recherche d’un monde nouveau sont des thèmes universels. Le logo Nasa est parmi les plus reconnaissables de la planète. Autant d’atouts qui permettent aux marques d’élargir leur public.»
37 millions d’abonnés sur Instagram
Au-delà d’un certain opportunisme du marketing, c’est la force de son imaginaire «interplanétaire» que les créateurs recherchent comme les jeunes générations. «Enfant, j’étais fasciné par l’idée d’aller dans l’espace, de devenir un astronaute et, bien sûr, par la Nasa, raconte Heron Preston, 34 ans. Je ne suis pas né pendant le programme Apollo ; je n’ai pas vu Armstrong entrer dans l’histoire de l’humanité, mais j’ai grandi avec des films cultes comme E.T. (1982) et Apollo 13 (1995).» Hollywood est historiquement le meilleur ambassadeur de la conquête de l’espace, particulièrement auprès des plus de 50 ans nourris aux images de 2001, l’Odyssée de l’espace (1968) de Kubrick et de Rencontres du troisième type(1978) de Spielberg. Il l’est de nouveau pour les millennials, fans de Gravity(2013), d’Interstellar(2014), de First Man(2018)… Aujourd’hui, les réseaux sociaux ajoutent encore à cette popularité, en témoignent les 2 millions de likes qu’a générés, lundi soir sur Instagram, le petit film de l’atterrissage de la sonde InSight lancé par la Nasa sur Mars.
L’organisation américaine possède d’ailleurs sur le réseau de partage une communauté de 37 millions d’abonnés. SpaceX, l’entreprise du vol spatial privé atteint les 4 millions! «Les travaux d’Elon Musk et de SpaceX, l’espoir de voyages dans l’espace pour les particuliers, l’exploration de Mars, tout cela est tellement enthousiasmant, reprend Heron Preston. Nous traversons une époque fantastique. Le rêve n’a jamais été aussi près de la réalité.»